Hovhannès TOUMANIAN (1869-1923
Les écrivains sont appelés à jouer un rôle dans l’histoire de la littérature de leur pays. Il en est quelques un, rares, qui jouent un rôle particulier dans leur nation et aussi, dans la vie spirituelle de leur nation. Hovhannes Toumanian a joué ce rôle dans la littérature arménienne. Il a dépeint le caractère national du peuple arménien leur histoire, leurs rêves, et leurs idéaux les plus sacrés, avec profondeur et clarté à travers ses écrits. Au cours de sa vie et jusqu’à aujourd’hui, sa popularité reste grande. Ses œuvres sont aimées, non seulement en Arménie, mais aussi loin de ses frontières. Dans chaque lieu où vivent les Arméniens, ses paroles dégagent l’odeur de sa patrie.
En 1916 Valeryi Bryusov un exceptionnel poète russe qui admirait la culture arménienne, a déclaré: «la poésie de Toumanian est l’Arménie elle-même, antique et nouvelle, ressuscitée et dépeinte dans les poèmes d’un grand maître”.
Hovhannes Toumanian est né le 19 février 1869 à Dsegh, un des villages de la belle région de Lori. Son père était le prêtre de la paroisse locale. Plus tard Toumanian écrira à son propos «La meilleure et la chose la plus précieuse que j’avais dans la vie était mon père. Il était honnête, et l’homme le plus noble qui soit. Extrêmement altruiste et généreux, plein d’esprit, gai et sociable, en même temps. Il avait toujours un air de sérieux profond.» le futur auteur a hérité de son père un legs qui n’a pas de prix. Depuis ses premières années Toumanian a compris combien était amère la vie du paysan arménien, et, a saisi ses rêves et ses fardeaux. Il a grandi avec des contes de fées, des paraboles et les légendes de son peuple. Le folklore et la beauté de la région de Lori sont devenus partie intégrante de son travail, et une partie inséparable de sa vie spirituelle qui allait plus tard se refléter dans son écriture.
Ce lien fructueux entre le poète et son peuple a persisté jusqu’à la fin de sa vie, malgré le fait que presque sa vie entière (depuis 1883) Toumanian a vécu loin de Lori dans la ville de Tiflis, un centre politique et culturel dans le Transcaucase. Toumanian a suivi sa scolarité dans la région de Lori et a ensuite été dans une des meilleures écoles arméniennes l’école Nersessian dont malheureusement, il a dû partir quand son père est tombé malade et est décédé quand Toumanian avait 16 ans, deux ans avant la l’obtention de son diplôme. Il a arrêté ses études et est retourné à Dsegh pour se consacrer à sa famille. Toumanian s’est marié à 19 ans et a eu dix enfants. Dans le besoin, et pour faire vivre sa famille, il a été obligé de faire un travail non adapté à ses talents et à son intellect, où l’atmosphère l’a étouffé au point où il s’est rappelé plus tard de ces jours comme d’un enfer. Au milieu des années 1890 Toumanian quitte cet enfer pour consacrer tout son temps à l’écriture.
Toumanian réussissait grâce à ses lectures insatiables. Il vénérait les travaux de Shakespeare, aussi bien que ceux de Lord Byron, Pouchkine, et la prose et la poésie de Lermontov. Il avait un intérêt aigu pour le folklore mondial, et avec la sensibilité d’un auteur de folklore, il a conservé l’intégrité de l’histoire culturelle arménienne, la dépouillant des influences étrangères dans son écriture. “J’avais toujours un guide fidèle et fiable, disait-il «mon intuition». Il a commencé à écrire à l’âge de 10/11 ans mais a seulement atteint la notoriété en tant que poète en 1890 quand sa première collection de poésie fut publiée. Même dans ses toutes premières œuvres on peut voir clairement toute la fraicheur que Toumanian à apporter à la littérature arménienne avec sa poésie. Son inspiration est venue des activités banales de la vie quotidienne de la population. Les héros de ses œuvres sont de simples villageois. Ils révèlent des qualités telles que, la force indestructible de la pensée, la beauté et la richesse des sentiments, sagesse et profondeur. La vie était dure pour les villageois qui subissaient les lois non écrites, patriarcales, les préjugés, et le règne de l’oppression injuste. Ses héros meurent souvent tragiquement. Bien que représentant ces tristes réalités, Toumanian, e même temps, découvre et expose la véritable poésie, la pureté des sentiments, l’intégrité, et l’inextinguible détermination envers la justice parmi ses héros. Les images créées par Toumanian poussent le lecteur délicatement à une profonde compassion pour la vérité et la beauté dans l’expérience humaine.
Parmi les œuvres qui dépeignent l’époque dans laquelle vivait Tumanian, sont des poèmes intitulés Anouch et Gikor. Anouch. Anouch raconte l’amour tragique d’un jeune berger (Saro), pour une jeune fille (Anouch). Le poème décrit la richesse spirituelle des héros, de leurs sentiments, de leur dévotion infinie l’un envers l’autre, de leur abnégation et la volonté des jeunes à l’auto sacrifice. Toumanian, tout en donnant une image spirituelle, donne un large aperçu de la vie culturelle de la population, montrant les activités quotidiennes et les coutumes, leurs joies leurs peines, et leurs visions du monde. En substance, il dévoile le caractère national du peuple arménien. Gikor, est l’histoire d’un jeune paysan de 12 ans qui va à la ville et succombe à la cruauté de ceux qui l’entourent. L’ensemble du récit est très dramatique, lyrique, riche en qualité, avec des touches simultanées de bonheur et de tristesse.
Avant Toumanian personne ne pouvait reproduire de la poésie dans des choses apparemment non poétiques et banales comme il a pu le faire. Personne n’est allé de l’avant avec sa compétence et son talent pour exposer des caractères humains complexes dans leur tragédie et leur beauté. Particulièrement précieuse, est sa contribution à la poésie épique arménienne. La poésie arménienne possède une tradition très riche et très ancienne et ses aspects lyriques sont surtout puissants. Parmi les plus brillants il y a eu le grand poète du 10ème siècle Grigor Narekatsi, le merveilleux poète Nahapet kuchak du Moyen Age, le grand troubadour, Sayat Nova qui a chanté l’amour. Et en dernier, mais pas des moindres, les poètes extraordinaires du 19 ème siècle, (P Durian H Hohanessian, etc…) Le talent poétique de Toumanian est avant tout, présent dans le portrait qu’il fait des situations pointues, dramatiques et des caractères audacieux, et forts. Ses ballades et poèmes sont parmi les meilleurs échantillons de la poésie épique du monde sous forme parfaite, et par dessus tout en raison de la richesse de la vie et de la profondeur philosophique qui les animent.
Comme un véritable artiste Toumanian n’a jamais prêché, mais ses œuvres sont gravées d’un profond raisonnement philosophique. Il était constamment préoccupé par les questions sur la vie et la mort, le but de l’existence humaine, et la cohésion de l’homme avec la nature, essayant de trouver des réponses aux questions qui le préoccupaient, tentant de pénétrer les secrets de l’univers. L’une des principales idées de ce grand poète et humaniste est que les êtres humains de par leur essence morale doivent mériter l’harmonie et la beauté naturelle. Son poème «Dans l’infini », et ses quatrains écrit pendant les dernières années de sa vie, sont d’une valeur exceptionnelle à cet égard. Ils expriment avec éloquence ses émotions et ses pensées intimes sur les gens et leur destinée.
Plus que n’importe lequel de ses prédécesseurs Toumanian a ouvert les vannes aux Arméniens, pour faire découvrir le folklore de nations différentes. Il a astucieusement utilisé des images populaires, des thèmes et moteurs d’autres cultures et les a présentés dans la littérature arménienne sans imitation, sans répétition. Toumanian plaçait toujours ses principes d’intégrité et ses idéaux dans chacune de ses adaptations littéraires. Basé sur plusieurs versions de l’épopée arménienne il a écrit “David de Sassoun” la poésie épique, qu’aujourd’hui on considère toujours comme la meilleure adaptation artistique de l’épopée nationale arménienne. En utilisant la légende historique, Toumanian a créé un de ses chefs-d’œuvres. “la Capture de la Forteresse de Tmuk,” un poème sur la beauté et l’immortalité. Il glorifie le patriotisme et la force de d’amour qui est capable d’inspirer un acte de grand accomplissement, et de grand courage.
La ballade de Tpumanian, “Parvana”, est aussi un bijou en utilisant l’intrigue légendaire Toumanian affirme l’idée de lutte humaine éternelle pour la perfection. Beaucoup de ballades de Toumanian et de ses contes proviennent de sources populaires et il est généralement admis que le meilleur conte de Toumanian est ” Nazar le Brave” – un conte, que le poète a écrit en utilisant vingt versions du même thème y compris des versions non-arméniennes. Ce conte ridiculise le peuple qui idolâtre les gens non méritants et les hissent à la tête des nations, ceux là même qui plus tard, inciteront aux guerres, à la violence et à la tyrannie et feront souffrir le peuple. Le conte est remarquable pour sa satire aiguisée, pour ces observations détaillées, aiguës et pleines d’esprits, sa profondeur et sa sagesse. Toumanian lui-même, qui évaluait toujours son travail de créateur très modestement, a dit qu’il était prêt à présenter ce conte pour le jugement avant le monde littéraire tout entier! Et en effet, “Nazar le Brave” est un des meilleurs exemples de conte populaire dans le monde entier.
Toumanian a radicalement changé les idées du monde poétique qui prévalaient dans la littérature avant lui. Il a renoncé aux éléments sans importances et faibles et au caractère conventionnel et son travail tout entier est une représentation vive de cette pensée. La parole de Toumanian est étonnamment simple, naturelle et en même temps poétiquement inspirée, belle, sage et profonde. Cela vient de la dynamique des éléments de la langue maternelle. Ce n’est pas par hasard que des dizaines de phrases et d’expressions des œuvres de Toumanian soient devenues une partie naturelle de la langue quotidienne dictons, adages et maximes. C’est ce qui a fait de Toumanian le plus grand poète de la nation arménienne. Un célèbre poète arménien, Avetik Isahakian (1875-1957) a écrit à propos de son contemporain, «Comme un ruisseau, il est descendu de la vie sauvage des montagnes de la légendaire Lori, portant l’ensemble du monde de la nature, splendide et variée de la nation ancienne avec des chansons et des discours, des sentiments et de l’imagination. Au début, ce torrent était spontanée et sauvage, mais avec le temps, il s’est éclaircit, devenu du cristal et se jette dans ces magnifiques légendes et poèmes qui élèvent à la gloire éternelle et le hausse au sommet inégalé de notre littérature. ”
Toumanian avait une compréhension fondamentale, que dans l’art, le citoyen, et ce qui est commun à toute l’humanité, sont étroitement liés, et pensées et idéaux qui sont précieux et intelligibles pour toutes les nations, seront exprimés seulement lorsque la vie et le caractère national des autochtones sont représentées. Le poète lui-même a dit: «Plus l’auteur est près de sa propre nation, et plus il creuse profondément dans son folklore, alors plus grande est sa grandeur et la signification de son travail pour l’humanité.»
Toumanian n’a jamais été un poète “de fauteuil”. Il était toujours dans le l’épaisseur choses et au centre de tous les événements importants de son temps. Son temps a été témoin de bouleversements orageux, conflits internationaux au Caucase; première guerre mondiale; le génocide d’Arméniens en Turquie; révolutions; et guerres civiles. Toumanian n’aurait pas été Toumanian s’il était resté à distance et eut simplement fait de la poésie. «Je vis et agonise avec chacun, je souffre pour tous. »” a-t-il écrit
Toumanian considérait, que la plus grande mission de la littérature est d’éveiller les relations amicales parmi les nations. Selon les croyances de Toumanian l’art est une grande force qui doit aider les gens à atteindre la perfection et les conduire vers un grand sens de l’altruisme et de la fraternité. ” Hovhannes Toumanian a été hospitalisé à Moscou, lors d’un de ses voyages humanitaires. Au cours de sa maladie, ses pensées allaient constamment à son pays natal. Il a passionnément voulu vivre assez longtemps pour terminer tout ce qu’il avait commencé, et compléter ses poèmes inachevés contes, légendes et histoires. Il est décédé en Mars 1923 loin de sa bien-aimée Lori l’œuvre de Toumanian est devenue un élément fondamental dans la nation spirituelle arménienne. Il est difficile d’évaluer quelle influence auront ses magnifiques travaux sur le développement de la culture arménienne. Le travail de Toumanian a donné une inspiration inépuisable pour la scène et la musique Ses œuvres ont été présentées à de nombreuses reprises dans différents théâtres et aussi par les peintres. Ils ont inspiré des compositeurs arméniens qui ont écrit de la musique de genres différents basés sur les motifs de ses travaux, depuis des chansons, jusqu’à l’opéra ballet. Deux opéras nationaux ont été fondés sur les œuvres de Toumanian ‘«Anouch et” La Prise de la forteresse de Tmuk ” «Tout d’abord, chaque poète, devrait être le cœur de son peuple», écrivait t-il
L’œuvre de sa vie témoigne de cette vertu. Les Arméniens portent pour toujours dans leurs cœurs l’image de Toumanian et de ses paroles sages. En Arménie, chacun sait, les jeunes, et les personnes âgées qu’ Hovhannes Toumanian, partage avec chaque nouveau lecteur de ses livres les trésors inépuisables de son âme et esprit. Là, repose sa véritable immortalité.
E. Jrbashyan
Traduction de l’anglais Alys